Communiqué de Presse INSU/CNRS
Un nouveau scénario décrivant une étape-clé dans la formation du système solaire vient d’être proposé par une collaboration franco-américaine impliquant des chercheurs du CNRS, des universités de Nice et de Bordeaux. Selon ce modèle, Jupiter aurait migré vers le Soleil jusqu’à la position de Mars aujourd’hui avant de rejoindre sa position actuelle, bien plus lointaine. Les chercheurs expliquent ainsi la formation de la ceinture d’astéroïdes ainsi que les différences de taille entre les planètes telluriques (Mercure, Vénus, la Terre et Mars). Les scientifiques s’attèlent désormais à intégrer dans ce scénario Uranus et Neptune qui sont les planètes les lointaines du système solaire. Leurs travaux viennent d’être publiés en ligne sur le site de Nature.
Pourquoi Mars, planète voisine de la Terre, est-elle dix fois moins massive que celle-ci ? La question est demeurée longtemps sans réponse tellement il était difficile de reproduire la masse de Mars dans les simulations. Grâce aux récents progrès dans ce domaine, un chercheur américain du nom de Brad Hansen a proposé en 2009 un modèle reproduisant les conditions initiales de formation des planètes telluriques. Celles-ci seraient nées d’un disque de matière large de 0,3 unité astronomique (1 UA représente la distance Terre-Soleil) qui s’étendrait de 0,7 à 1 UA. Le centre de ce disque, là où se concentre la matière, contiendrait les briques de construction pour Vénus et la Terre, les planètes telluriques les plus grandes du système solaire. Les bords interne et externe auraient respectivement généré Mercure et Mars. Mais ce modèle ne prend pas en compte l’existence, au sein du système solaire, de matière planétaire au-delà de Mars, où se trouvent la ceinture d’astéroïdes (située entre 2 et 4 UA) et les quatre planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ; entre 5 et 30 UA).
L’étude des exoplanètes a révélé que certaines planètes géantes peuvent migrer à proximité de leur étoile. Se basant sur cette observation, Alessandro Morbidelli et ses collègues ont émis l’hypothèse que les planètes géantes de notre système solaire (Jupiter et Saturne) avaient bougé au sein du système solaire, avant la formation des planètes telluriques. Les chercheurs se sont appuyés sur les travaux de Hansen pour construire le scénario suivant : avant la formation de Saturne, Jupiter aurait migré vers le Soleil jusqu’à la position actuelle de Mars (à 1,5 UA du Soleil). Il aurait alors poussé ou éjecté toute la matière située sur son chemin, donnant naissance au disque de matière « tronqué » large de 0,3 UA, avec un bord externe à 1 UA (conformément aux travaux de Hansen). Puis, Saturne, une fois formée, se serait à son tour déplacée vers le Soleil. Sous son « influence », Jupiter aurait « viré de bord » pour migrer jusqu’à rejoindre sa position actuelle (aux alentours de 5 UA du Soleil), au-delà de la ceinture d’astéroïdes.
Grâce à de nombreuses simulations numériques, les scientifiques ont démontré que les migrations de Jupiter et Saturne étaient compatibles avec la formation de la ceinture d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter. De plus, ils sont parvenus à expliquer la cohabitation de deux types d’astéroïdes dans cette ceinture : certains sont des objets très secs, d’autres riches en eau. Selon le scénario de « grande virée de bord », Jupiter aurait intercepté deux populations de petits corps lors de ses migrations. Ceux aujourd’hui situés dans la partie interne de la ceinture d’astéroïdes proviendraient de la zone entre 1 et 3 UA du Soleil, tandis que ceux localisés dans sa partie externe seraient issus d’une région distincte située au-delà de 5 UA.
« Ce modèle implique que les planètes géantes de notre système solaire se sont déplacées de façon significative tout comme les planètes observées autour d’autres soleils », explique Sean Raymond. Autre aspect important : ce nouveau modèle permet d’expliquer les tous premiers millions d’années de notre système solaire, une histoire qui comportait un grand nombre d’énigmes sans réponse jusqu’à présent. Les scientifiques tentent désormais d’inclure dans ce scénario la formation d’Uranus et de Neptune.
En France, les laboratoires impliqués sont : Laboratoire « Cassiopée Astrophysique, Sciences Mécaniques et Analyse des Données » (CNRS/Université de Nice) à l’Observatoire de la Côte d’Azur ainsi que le Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université Bordeaux1)
Pour en savoir plus :
« A low mass for Mars from Jupiter early gas-driven migration ». K.J. Walsh, A. Morbidelli, S.N. Raymond, D.P. O’Brien, A.M. Mandell. Nature, 475, 206–209 (14 July 2011) doi:10.1038/nature10201
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