Nous avons étudié la production de sucres dans un environnement aqueux simulant les débuts de la Terre ou des environnements de surfaces planétaires.
L’étude implique des approches expérimentales et théoriques et se concentre sur le rôle des minéraux silicatés de type olivine, que l’on trouve couramment dans la croûte terrestre, ainsi que dans les environnements interstellaires et cosmiques. L’étude démontre que les sucres peuvent être générés efficacement à partir d’une seule molécule, le formaldéhyde (H2CO) comme précurseur dans des conditions liquides par une série de réactions chimiques connues sous le nom de réaction de formose.
La réaction de formose suscite une grande attention dans le domaine de la chimie prébiotique, car elle permet de synthétiser l’une des trois briques de la vie, les sucres, par des voies de synthèse abiotique. Toutefois, cette réaction présente des exigences et des obstacles spécifiques qui doivent être surmontés. Dans cette étude, l’objectif était de promouvoir la réaction de formose en utilisant des minéraux silicatés présents dans les minéraux mafiques sur Terre ou ailleurs. En étudiant les oses (sucres) produits de l’interaction avec le minéral nous avons montré un mécanisme nouveau de catalyse par les minéraux. Les expériences en laboratoire, couplé à des modélisations ont permis de déterminer que l’olivine facilite et améliore la réaction de formose en conditions aqueuses. L’activité catalytique des surfaces de l’olivine dans cette réaction a été élucidée précisément.
Les expériences ont été réalisées dans des conditions anoxiques et à une température de 80 °C sur une période allant de 2 à 45 jours (par Vassilissa Vinogradoff, CNRS, AMU, Marseille, Fr). Les produits obtenus ont été analysés à l’aide de techniques analytiques avancées (GC×GC-TOFMS) afin de caractériser et de quantifier les composés obtenus (par Cornelia Meinert et Vanessa Leyva, ICN, Nice, Fr). Notamment, des composés intermédiaires clés liés aux sucres et une variété de sucres jusqu’à des C6 ont été identifiés avec succès à partir des expériences impliquant le formaldéhyde et l’olivine seulement. Des expériences complémentaires ont été menées (avec du glycolaldéhyde et ou de l’hydroxyde de calcium) pour comparer à l’effet de l’olivine sur la formation des sucres, qui s’est avéré particulièrement efficace. Pour modéliser l’étape initiale de la réaction de formose (trop rapide dans nos expériences), nous avons complété les résultats expérimentaux par des calculs de chimie quantique DFT (par Albert Rimola et Eric Mates-Torres, UAB, Barcelone, Espagne). Plus précisément, nous nous sommes concentrés sur la condensation de deux molécules de formaldéhyde pour former du glycolaldéhyde à la surface de l’olivine. Les calculs computationnels ont révélé de nouvelles voies de réaction pour la formation du glycolaldéhyde. Les centres acides et basiques de Lewis de la surface de l’olivine facilitent la déprotonation du formaldéhyde, ce qui permet une réactivité d’umpolung avec une deuxième molécule de formaldéhyde, conduisant finalement à la formation de glycolaldéhyde. Ce mécanisme, étayé par des preuves expérimentales, représente une voie non radicale qui permet de surmonter l’étape d’initiation de la réaction de formose, qui est dite « impossible » thermodynamiquement à partir du formaldéhyde seulement.
Nos résultats indiquent que l’olivine joue un triple rôle dans le réseau chimique de la formose. Premièrement, elle maintient un environnement de pH alcalin. Deuxièmement, elle permet l’étape d’initiation, qui est typiquement l’étape la plus difficile de la réaction. Enfin, elle favorise un cycle autocatalytique, contribuant à l’autopropagation de la réaction.
Les résultats de cette étude apportent des informations précieuses sur la réaction de formose et son mécanisme catalysé par les minéraux et apportent de nouvelles possibilités sur l’utilisation de minéraux abondants d’origine naturel pour la synthèse prébiotique.
- Lien vers l’article : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0012821X23005691
- Lien vers un article de presse EOS AGU, par Elise Cutts : https://eos.org/articles/olivine-may-have-given-life-a-jump-start
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