Société Française d'Exobiologie

Mars : Trouver le gaz pour chercher l’eau

Mais où est donc passée l’eau de Mars ? C’est à tous les étages qu’il faut mener les investigations pour la retrouver. Paradoxalement, ce sont les traces, d’un produit dissipé dans l’atmosphère, déposées sur la surface qui ont donné aux chercheurs de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) des indices de la présence d’eau dans le… sous-sol martien !

Pour mener l’enquête, ces scientifiques ont fait parler les données issues de l’instrument APXS d’Opportunity qui vient de fêter son 1000ème jour martien. Le point sur les investigations dans le n° 10 d’E-Space & Science.

De nombreux indices, comme des dépôts sédimentaires, des traces de rivages et des cours d’eau asséchés indiquent qu’il y aurait eu sur Mars une activité hydrologique intense dans le passé. L’eau liquide a aujourd’hui disparu de la surface. La teneur en vapeur d’eau de l’atmosphère est très faible, l’eau existe sous forme de glace dans les calottes polaires et dans certains cratères. La quantité d’eau qui existe actuellement sur la planète sous toutes ses formes ne peut expliquer les traces géologiques observées. L’eau manquante s’est peut-être « échappée » dans l’espace sous l’effet du vent solaire, elle pourrait aussi être dans le sous-sol.
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Les auteurs proposent une méthode innovante pour montrer la présence d’eau dans les premiers mètres du sous-sol martien. Cette méthode repose sur la mesure des échanges surface-atmosphère d’un élément naturellement radioactif : le radon-222.

Tout l’uranium-238 du système solaire est présent dès l’origine de ce dernier. Cet uranium-238 donne naissance à des éléments radioactifs par une cascade de désintégrations alpha ou beta. Cette cascade d’évènements se poursuit jusqu’à ce qu’une désintégration mène à un noyau stable : le plomb-206. Le radon-222 et le polonium-210 sont tous deux, dans cette cascade, des descendants radioactifs de l’uranium-238.
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Le radon-222 est le seul élément de cette cascade à être gazeux, il peut donc s’échapper du milieu dans lequel il se forme. Lorsque le radium-226 se désintègre, en émettant une particule alpha, et forme un noyau de radon-222, celui-ci subit un mouvement de recul. Dans un milieu poreux exempt de glace d’eau, le noyau quitte un grain puis entre dans un autre et y reste piégé. Si cet espace interstitiel contient de la glace, le noyau est freiné en ionisant les molécules d’eau et ce gaz radioactif peut alors diffuser jusqu’à la surface. C’est l’émanation.

C’est la demi-vie qui compte

Le radon-222 et ses descendants ont une demi-vie très courte à l’échelle géologique, la détection du polonium-210, à la surface ou dans l’atmosphère, apporte une preuve indirecte d’une exhalaison récente et vraisemblablement continue de radon-222. L’instrument APXS du véhicule martien Opportunity a pu mesurer, de manière fortuite, le rayonnement émis lors de la désintégration du polonium-210 àla surface de Mars. L’activité du polonium-210 est plus élevée sur les poussières atmosphériques que sur les roches du site où Opportunity a atterri. Le bruit de fond a été estimé, pour comparaison, par des mesures acquises sur les roches débarrassées de la poussière. Compte tenu des demi-vies très brèves des descendants du radon-222, ces mesures confirment donc bien une exhalaison récente de ce gaz, même s’il n’a pas été détecté directement. Lorsqu’il se forme dans l’atmosphère, le polonium-210, se dépose immédiatement sur les poussières. Celles-ci étant brassées en permanence par les vents, l’activité du polonium-210 est, a priori, répartie de façon homogène sur l’ensemble de la planète Mars. Le taux moyen d’exhalaison du radon-222 peut donc être estimé à partir de la mesure de cette activité et de la connaissance de la quantité de poussière régulièrement remise en suspension dans l’atmosphère.Dans la limite des données disponibles, le taux d’exhalaison moyen du radon-222 est plus élevé sur Mars que sur la Lune qui est prise comme référence d’un régolite déshydraté. D’autres facteurs doivent, certes, être pris en compte pour interpréter ces résultats : d’une part, la teneur du sol en uranium-238 semble plus faible à la surface de Mars que sur la Lune et d’autre part, la température du sol contrôle l’adsorption du gaz radon-222 sur les grains de régolite. Cependant les comparaisons entre Mars et la Lune semblent montrer que l’augmentation de l’émanation de radon-222 est bien due à la présence d’eau dans la couche superficielle du sol.

Pour en savoir plus : Evidence of 210Po on Martian dust at MeridianiPlanum, Pierre-Yves Meslin, Jean-Christophe Sabroux, Lionel Berger, Jean-François Pineau et Eric Chassefière,Journal of Geophysical Research Planets, vol 111, E9, E09012, 2006

Voir aussi le N°10 d’E-Space & Science (au format PDF)

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