L’évolution Darwinienne, une conséquence des lois de la cinétique chimique ?
Par Robert Pascal (Institut des Biomolécules Max Mousseron)
Les êtres vivants peuvent être décrits de manière de plus en plus précise par leur composants chimiques, par les interactions entre ces derniers et par leur organisation en systèmes plus complexes (cellules, organes…). Pour autant cela nous ne nous permet pas de comprendre les lois physicochimiques gouvernant la spécificité du vivant, ni même si de telles lois existent et encore moins comment l’évolution a permis d’élaborer tous les organismes vivant sur Terre ou potentiellement vivant ailleurs ?
Dans un article récent paru dans Chemistry – A European Journal (doi. 10.1002/chem.200900805), le chimiste israélien Addy Pross propose dans une formulation claire et accessible à des scientifiques de tous horizons que cette spécificité soit en fait liée à la stabilité des systèmes capables de se répliquer. Comprise comme la capacité de tels systèmes à occuper l’espace disponible et à se maintenir dans le temps, cette acception n’a que peu de rapports avec la stabilité thermodynamique qui conduit inéluctablement les systèmes chimiques usuels vers l’état d’équilibre. Au contraire, les lois de la cinétique conduisent les réplicateurs vers un état de plus grande stabilité cinétique, sélectionnant les variantes les plus à même à se répliquer et tirant parti des modifications de leur propre nature (que l’on appelle les mutations dans un contexte biologique). Une telle description présente l’avantage de proposer qu’une force motrice unique ait gouverné tant l’émergence du vivant que son évolution ultérieure décrite par la théorie darwinienne qui ne devient en quelque sorte qu’une formulation particulière des règles plus générales gouvernant les propriétés des réplicateurs.
Pour autant, cela résout-il toutes les questions concernant l’origine de la vie et en particulier le débat sur l’émergence des premières molécules capables de se répliquer ? Certainement pas, car la question de l’émergence du premier système apte à s’auto-répliquer reste entière. Le débat sur le rôle respectif du métabolisme et d’un support d’information génétique est également loin d’être clos. Mais la description de l’auteur fournit une formulation particulièrement simple des principes physicochimiques nécessaires pour décrire l’émergence du vivant et son évolution. Cela constitue une pièce importante à l’édifice en cours de construction qui pourra un jour sans doute relier les sciences de la vie à la physique et à la chimie. Cette formulation pourrait également rouvrir d’autres débats : par exemple, l’existence d’une force motrice liée à la stabilité cinétique des systèmes réplicatifs ne fournirait-elle pas une base physicochimique à ce que les conceptions vitalistes ont cherché à identifier comme une force vitale spécifique à la matière vivante ?
Pour en savoir plus :
Addy Pross, Seeking the Chemical Roots of Darwinism: Bridging between Chemistry and Biology, Chemistry – A European Journal, Volume 15, Issue 34, Date: August 24, 2009, Pages: 8374-8381
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