Par Grégoire Danger, laboratoire de Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires (PIIM)
Qu’en est-il des apports exogènes ? Il est reconnu que la terre peut être enrichie en matière organique par des apports extérieurs. Un des meilleurs exemples est la découverte actuelle de météorites à la surface de notre planète, ces objets étant des reliquats de la matière interplanétaire. L’analyse de ces météorites montre que pour certaines d’entre elles, une quantité non négligeable d’acides aminés peut être détectée. Ces détections d’acides aminés sont d’autant plus intéressantes que pour certains d’entre eux, des excès énantiomériques ont été observés en faveur de leur configuration L, une configuration identique aux acides aminés constituant les protéines du vivant. Il est ainsi tentant d’établir un lien entre la matière organique exogène, et notamment les acides aminés, et la matière organique constitutive des systèmes biochimiques. Mais par quelles voies chimiques ont pu se former ces acides aminés, alors qu’à première vue, les environnements astrophysiques sont particulièrement inhospitaliers ? En ce qui concerne les acides aminés détectés au sein des météorites, plusieurs voies de formation sont proposées. Les rapports isotopiques des acides aminés alpha-hydrogénés montrent notamment que ces composés chimiques ont pu être formés à basse température via la réaction de Strecker, une réaction déjà proposée comme prépondérante pour la formation des acides aminés formés lors des expériences de Miller.
L’équipe Astrochimie du laboratoire de Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires de Marseille a continué ces investigations concernant la possibilité de former des acides aminés, ou certains de leurs précurseurs, à basse température (10K à 300K) et basse pression (10-8 mbar), conditions simulant l’évolution d’un grain interstellaire ou cométaire. En réchauffant un mélange de formaldéhyde (CH2O), d’ammoniac (NH3) et de cyanure d’hydrogène (HCN) préalablement déposé à 40K, ils ont montré que la première étape de Strecker (formation de l’aminoalcool, ici l’aminométhanol NH2CH2OH) qui mène à la formation de la glycine, était en compétition avec la formation des hydroxynitriles, qui ici est en l’occurrence l’hydroxyacétonitrile (HOCH2CN). Les hydroxyacétonitriles sont des précurseurs d’hydroxyacides, ces derniers étant aussi détectés au sein des météorites et présentés comme une preuve de la formation des acides aminés via la réaction de Strecker. Ces résultats montrent qu’une chimie importante et complexe peut avoir lieu à la surface des grains interstellaires et cométaires. De plus, ces résultats vont dans le sens d’une formation des précurseurs des acides aminés météoritiques à basse température, et qu’une grande variété d’environnements astrophysiques peuvent mener à la formation de ces composés, allant de la surface des grains interstellaires dans les zones froides du milieu interstellaire, jusqu’au sein d’objets interplanétaires que sont les comètes et les astéroïdes.
Pour en savoir plus :
Danger G, Duvernay F, Theulé P, Borget F, and Chiavassa T. (2012) Hydroxyacetonitrile (HOCH2CN) Formation in Astrophysical Conditions. Competition with the Aminomethanol, a Glycine precursor. The Astrophysical Journal, 756, 11. (article complet, accès soumis à conditions)
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