Par Fabien Stalport, Astro/géo-chimiste, Nasa GSFC.
En 1996, McKay et son équipe discutèrent de la possible présence d’enregistrements fossiles d’une activité biologique martienne passée dans une météorite nommée ALH84001, fortement suspectée de provenir de la croûte martienne et éjectée dans l’espace lors d’un impact météoritique. Cette météorite s’est révélée extrêmement précieuse pour l’étude de Mars, son environnement primitif et la possibilité de l’apparition de vie sur cette planète. En effet elle se serait formée il y a plus de quatre milliards d’années dans un environnement tempéré et chimiquement « réducteur », c’est-à-dire durant la période où de l’eau liquide stable est supposée présente sur Mars. D’ailleurs en observant finement la structure de la météorite, des fissures apparaissent et de l’eau à l’état liquide semble avoir coulé au travers.
L’équipe de McKay fit donc l’inventaire des différents indices qui permettent de suggérer que cette météorite referme les traces d’une ancienne activité biologique martienne : dans les fissures de la météorite, des globules de carbonates dont la structure et la composition sont similaires à des dépôts de carbonates par minéralisation biologiquement induite par des bactéries se sont formés en présence d’eau liquide ; des grains de magnétite sont également présents et parmi les cristaux de magnétites certaines morphologies sont similaires à celles de cristaux de magnétite produits par des bactéries magnetotactiques terrestres ; des HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) sont présents notamment dans les globules de carbonates et pourraient être les reliquats d’une dégradation microbienne ; pour terminer, des structures morphologiques observables à très fort grossissement sont similaires en forme et en taille à des nanobactéries.
Suite à la publication de ces résultats, de nombreux travaux ont tenté d’expliquer la présence et la formation de ces indices par des processus inorganiques : les globules de carbonates auraient pu se former abiotiquement lors de l’impact à l’origine de l’éjection de la météorite dans l’espace, ou bien par des processus hydrothermaux à base température sur Mars ; la présence de HAP pourrait s’expliquer soit par de la contamination terrestre, soit par l’apport de HAP sur Mars, via le milieu interplanétaire : dans cette deuxième hypothèse, la roche originelle de la météorite aurait pu renfermer ces HAP avant d’être éjectée dans l’espace. Il est d’ailleurs suggéré que ces deux sources pourraient être à l’origine des HAP ; les formes allongées et les ovoïdes pourraient être des artefacts d’abrasion ou d’altération produits lors de la préparation de l’échantillon pour les analyses en microscopie. Finalement la présence des magnétites et leur formation est restée et reste le seul argument qui n’a pas été pleinement expliqué par des processus inorganiques.
Plusieurs travaux ont alors tenté d’expliquer la présence et une voie de formation abiotique de ces magnétites : elles se seraient formées a posteriori par décomposition thermique partielle des globules de carbonates préexistants. Les carbonates et les magnétites seraient alors liés. Deux modèles principaux décrivent la potentielle dégradation thermique : dans le premier, ALH84001 aurait subit un rapide chauffage, conséquence du choc qui a propulsé la roche dans l’espace et la partie sidéritique (carbonates de fer) des carbonates se seraient partiellement décomposés en magnétites ; dans le second la décomposition des carbonates aurait eu lieu en profondeur, dans la croûte martienne sous une pression nettement supérieure à la pression de surface, avant éjection. Il est à noter que les deux modèles s’opposent et ne peuvent coexister.
Dans l’un de ses derniers articles Thomas-Keprta et son équipe (dont McKay) débattent également sur l’origine de ces magnétites. Avec l’appui de nouvelles données en microscopie électronique – caractérisations détaillés de la composition et observation de la relation structurale des disques de carbonates et des magnétites – ils concluent que la très grande majorité des magnétites ne seraient aucunement liés aux carbonates. En effet ils déclarent que les carbonates se sont d’abord déposés à basse température par précipitation, puis la plupart des magnétites (ainsi que des sulfites ferreux) se sont déposés à partir de multiples fluides qui sont donc entrés en contact après la formation des carbonates. La plupart des magnétites sont également très pures ce qui n’est pas compatible avec la formation par dégradation thermique partielle de sidérite. Par conséquent la conclusion de cet article est que les magnétites n’ont pas pour origine les globules de carbonates, ni même un quelconque matériel de la météorite elle-même mais auraient été apportées d’une ou de plusieurs sources extérieures (fluides). A partir de cette conclusion, Thomas-Keprta et son équipe n’hésitent pas à évoquer de nouveau la possibilité qu’au moins une partie de ces magnétites aurait une origine biogénique, sans toutefois écarter toute possibilité de formation par voie abiotique. Il est vrai que compte tenu du contexte actuel – présence d’eau liquide à la surface de Mars au début de son histoire et détection de méthane dans son atmosphère – la thèse de l’origine biologique est à prendre au sérieux.
Pour en savoir plus :
Thomas-Keprta, K. L., Clemett, S. J., McKay, D. S., Gibson, E. K., and Wentworth, S. J., 2009. Origins of magnetite nanocrystals in Martian meteorite ALH84001. Geochimica et Cosmochimica Acta 73, 6631-6677. (science direct)
En 1996, McKay et son équipe discutèrent de la possible présence d’enregistrements fossiles d’une activité biologique martienne passée dans une météorite nommée ALH84001, fortement suspectée de provenir de la croûte martienne et éjectée dans l’espace lors d’un impact météoritique. Cette météorite s’est révélée extrêmement précieuse pour l’étude de Mars, son environnement primitif et la possibilité de l’apparition de vie sur cette planète. En effet elle se serait formée il y a plus de quatre milliards d’années dans un environnement tempéré et chimiquement « réducteur », c’est-à-dire durant la période où de l’eau liquide stable est supposée présente sur Mars. D’ailleurs en observant finement la structure de la météorite, des fissures apparaissent et de l’eau à l’état liquide semble avoir coulé au travers.
L’équipe de McKay fit donc l’inventaire des différents indices qui permettent de suggérer que cette météorite referme les traces d’une ancienne activité biologique martienne : dans les fissures de la météorite, des globules de carbonates dont la structure et la composition sont similaires à des dépôts de carbonates par minéralisation biologiquement induite par des bactéries se sont formés en présence d’eau liquide ; des grains de magnétite sont également présents et parmi les cristaux de magnétites certaines morphologies sont similaires à celles de cristaux de magnétite produits par des bactéries magnetotactiques terrestres ; des HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) sont présents notamment dans les globules de carbonates et pourraient être les reliquats d’une dégradation microbienne ; pour terminer, des structures morphologiques observables à très fort grossissement sont similaires en forme et en taille à des nanobactéries.
Suite à la publication de ces résultats, de nombreux travaux ont tenté d’expliquer la présence et la formation de ces indices par des processus inorganiques : les globules de carbonates auraient pu se former abiotiquement lors de l’impact à l’origine de l’éjection de la météorite dans l’espace, ou bien par des processus hydrothermaux à base température sur Mars ; la présence de HAP pourrait s’expliquer soit par de la contamination terrestre, soit par l’apport de HAP sur Mars, via le milieu interplanétaire : dans cette deuxième hypothèse, la roche originelle de la météorite aurait pu renfermer ces HAP avant d’être éjectée dans l’espace. Il est d’ailleurs suggéré que ces deux sources pourraient être à l’origine des HAP ; les formes allongées et les ovoïdes pourraient être des artefacts d’abrasion ou d’altération produits lors de la préparation de l’échantillon pour les analyses en microscopie. Finalement la présence des magnétites et leur formation est restée et reste le seul argument qui n’a pas été pleinement expliqué par des processus inorganiques.
Plusieurs travaux ont alors tenté d’expliquer la présence et une voie de formation abiotique de ces magnétites : elles se seraient formées a posteriori par décomposition thermique partielle des globules de carbonates préexistants. Les carbonates et les magnétites seraient alors liés. Deux modèles principaux décrivent la potentielle dégradation thermique : dans le premier, ALH84001 aurait subit un rapide chauffage, conséquence du choc qui a propulsé la roche dans l’espace et la partie sidéritique (carbonates de fer) des carbonates se seraient partiellement décomposés en magnétites ; dans le second la décomposition des carbonates aurait eu lieu en profondeur, dans la croûte martienne sous une pression nettement supérieure à la pression de surface, avant éjection. Il est à noter que les deux modèles s’opposent et ne peuvent coexister.
Dans l’un de ses derniers articles Thomas-Keprta et son équipe (dont McKay) débâtent également sur l’origine de ces magnétites. Avec l’appui de nouvelles données en microscopie électronique – caractérisations détaillés de la composition et observation de la relation structurale des disques de carbonates et des magnétites – ils concluent que la très grande majorité des magnétites ne seraient aucunement liés aux carbonates. En effet ils déclarent que les carbonates se sont d’abord déposés à basse température par précipitation, puis la plupart des magnétites (ainsi que des sulfites ferreux) se sont déposés à partir de multiples fluides qui sont donc entrés en contact après la formation des carbonates. La plupart des magnétites sont également très pures ce qui n’est pas compatible avec la formation par dégradation thermique partielle de sidérite. Par conséquent la conclusion de cet article est que les magnétites n’ont pas pour origine les globules de carbonates, ni même un quelconque matériel de la météorite elle-même mais auraient été apportées d’une ou de plusieurs sources extérieures (fluides). A partir de cette conclusion, Thomas-Keprta et son équipe n’hésitent pas à évoquer de nouveau la possibilité qu’au moins une partie de ces magnétites aurait une origine biogénique. Il est vrai que compte tenu du contexte actuel – présence d’eau liquide à la surface de Mars au début de son histoire et détection de méthane dans son atmosphère – la thèse de l’origine biologique est à prendre au sérieux.
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