Par Grégoire Danger, enseignant/chercheur au PIIM
L’évolution de la matière organique commence en grande partie au sein des nuages moléculaires denses. Ces nuages sont principalement formés de grains interstellaires incluant la majeure partie de la matière organique du milieu interstellaire sous forme de glace dont la composition est dominée par l’eau. Lors de l’évolution de ces grains au sein du nuage, cette matière organique va subir de nombreuses modifications chimiques (irradiation UV, hydrogénation, effet thermique) pour aboutir à une complexification de la matrice organique. Dans certaines zones de ce nuage moléculaire, le nuage va s’effondrer sur lui-même pour former une nébuleuse stellaire qui évoluera vers une protoétoile et potentiellement vers un système planétaire tel que notre système solaire. Au cours de cette évolution, les grains interstellaires vont s’agglomérer pour former de petits objets incluant la matière organique originelle qui suivant leur évolution autour de l’étoile pourront être qualifiés de comètes ou d’astéroïdes. Ces petits objets pourront servir de réservoir de matière organique pour le développement d’une chimie prébiotique à la surface de planète tellurique telle que la planète Terre.
A partir de simulations expérimentales en laboratoire d’environnements astrophysiques, l’objectif des astrochimistes est de comprendre l’évolution chimique de ces grains dans le but de retracer l’évolution chimique qui peut avoir lieu au sein du milieu interstellaire. Les premiers résultats obtenus à partir de l’irradiation d’analogues de glace interstellaire (incluant par exemple H2O, CO, NH3, CH3OH) ont montré par analyses in situ en infrarouge la formation de radicaux et de molécules plus complexes. Après chauffage de l’échantillon, ces espèces moléculaires se réorganisent pour former un résidu comprenant des molécules organiques complexes qui mènent après hydrolyse acide à la formation d’acides aminés, comme dans les météorites. Sans ce traitement ces molécules ne sont pas détectées. Cette observation conduit à l’hypothèse que ces acides aminés pourraient être inclus dans une structure complexe et seraient rejetés après dégradation lors de l’hydrolyse. Cependant, une autre possibilité serait liée à la présence de précurseurs de ces acides aminés tels que des dérivés nitriles. Cette hypothèse serait corroborée par la détection de l’aminoacétonitrile en phase gazeuse dans le milieu interstellaire, précurseur connu de la glycine par hydrolyse, ainsi que la détection d’acides aminés après hydrolyse de résidus provenant de l’irradiation de glace incluant de l’acétonitrile.
Dans une publication récente, une équipe du laboratoire PIIM de Marseille, présente une des premières approches expérimentales permettant la formation d’acétonitrile et d’aminoacétonitrile dans des conditions proches du milieu interstellaire. Ce travail prouve que l’acétonitrile peut se former à 20K par irradiation VUV d’éthylamine avec un rendement de l’ordre de 4%. De plus, en présence d’ammoniaque, à 20K et sous irradiation, l’acétonitrile mène à la formation de l’aminoacétonitrile. Ces résultats suggèrent ainsi que deux précurseurs d’acides aminés, l’acétonitrile et l’aminoacétonitrile, peuvent se former dans des environnements astrophysiques soumis à des irradiations VUV.
Pour en savoir plus :
G. Danger, J.-B. Bossa, P. de Marcellus, F. Borget, F. Duvernay, P. Theule, T. Chiavassa, L. d’Hendecourt (2011) Experimental investigation of nitrile formation from VUV photochemistry of interstellar ice analogs: acetonitrile and amino acetonitrile. Astronomy and Astrophysics, 525, A30. DOI: 10.1051/0004-6361/201015736 (lien)
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