Par Uwe Meierhenrich, Université de Nice, Sophia Antipolis
La cellule est l’unité de base de toute forme vivante connue à l’heure actuelle. Qu’elle soit de type eucaryote ou procaryote, la cellule est délimitée par une bicouche membranaire, majoritairement constituée de phospholipides mais pouvant également contenir des glycolipides et autres stéroïdes pour ne citer qu’eux. L’intérieur de la cellule est lui séparé en de nombreux compartiments présentant une fonction biologique bien précise. Chacun dans sa singularité appartient à une machinerie cellulaire complexe dont le rôle est d’exprimer le code génétique en protéines fonctionnelles nécessaire à la survie de la cellule. On comprend ainsi le rôle primordial de la bicouche membranaire dans la nécessité d’assurer une séparation efficace entre milieu intra- et extracellulaire. Cette bicouche phospholipidique présente deux surfaces hydrophiles mais également un cœur hydrophobe qui empêche toute molécule polaire ou encore tout ion de pénétrer librement dans la cellule sans un quelconque contrôle. Ainsi, les cellules « modernes et évoluées » dont les membranes sont composées d’une très grande variété de dérivés lipidiques requièrent un système complexe de canaux protéiniques et de pompes énergie-dépendantes afin de contrôler leurs échanges avec leur environnement.
Cependant, la question de savoir quels sont les mécanismes de l’évolution ayant mené à la cellule dans sa forme actuelle reste encore en suspens. La Biologie et la Chimie contemporaines sont elles à même de pouvoir déchiffrer les paramètres nécessaires à l’apparition de « protocellules » ? L’acquisition de cette connaissance constitue un challenge de recherche à la fois ardu et fascinant, tant d’un point de vue fondamental que pour des applications éventuelles vers la production de cellules « artificielles ».
L’étendue actuelle de notre connaissance en biochimie suggère que la cellule, considérée ici comme un compartiment, est un prérequis nécessaire, sinon le principal, à l’apparition de la vie. En ce sens, le compartimentage permet l’encapsulation, la concentration, et la protection des molécules (in)organiques vis-à-vis de la « soupe prébiotique » externe, pouvant même aboutir à l’élongation et la réplication de chaîne au sein même de ce compartiment.
Les phénomènes lés à l’évolution prébiotique des bicouches membranaires sont donc au centre de nombreux débats sur l’origine de la vie. Cependant, un problème subsiste : les membranes phospholipidiques modernes sont des barrières très efficaces contre des molécules polaires et chargées, nécessitant comme mentionné plus haut un système d’échange avec l’extérieur très élaboré. Elles sont donc imperméables à une très grande variété de molécules et de nutriments essentiels à la vie de la cellule et ne possèdent pas les propriétés dynamiques nécessaires à la croissance membranaire spontanée.
Sur la base de découvertes récentes, la compréhension de la formation spontanée de vésicules « protocellulaires » à partir de molécules amphiphiles, de leur capacité à internaliser des nutriments et de pouvoir conduire consécutivement à une élongation de chaîne a considérablement progressé ces dernières années. A ce sujet, une équipe de chercheurs menée par Uwe Meierhenrich, de l’institut de chimie de Nice, se propose de passer en revue chacune de ces étapes fascinantes en les abordant à la manière d’un chimiste mais également d’un biochimiste. L’examen de la littérature conduit à détailler les points suivants : 1) l’assemblage spontané de molécules amphiphiles en vésicules « protocellulaires », 2) la croissance et la division de ces vésicules primitives, 3) la dynamique des membranes permettant l’absorption des nutriments, et enfin 4) l’élongation de chaîne de dérivés nucléotidiques dans des cellules modèles de type vésiculaire.
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Ce film en anglais illustre la formation des toutes premières cellules sur Terre. Il fait partie des documents accompagnant la publication de Meierhenrich et al.: On the Origin of Primitive Cells: From Nutrient Intake to Elongation of Encapsulated Nucleotides. Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 49 (2010) 3738–3750. (http://www3.interscience.wiley.com/journal/123400556/abstract)
Film (sm002.avi) disponible ici
Pour en savoir plus :
Meierhenrich et al.: On the Origin of Primitive Cells: From Nutrient Intake to Elongation of Encapsulated Nucleotides. Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 49 (2010) 3738–3750.
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