Par Jean-Baptiste Bossa, Doctorant au PIIM.
Les grains du milieu interstellaire jouent un rôle fondamental dans la chimie des nuages moléculaires denses en offrant une surface (catalyseur) sur laquelle des atomes et des molécules peuvent se condenser et former un manteau glacé. Les nuages moléculaires denses représentent les régions les plus froides (10 – 50 K) du milieu interstellaire et constituent le lieu de formation des étoiles. Suite à une perturbation gravitationnelle, une partie des nuages moléculaires denses s’effondre sous son propre poids pour donner naissance à une étoile et à un disque protoplanétaire à partir duquel se formeront éventuellement, les planètes, les astéroïdes, les objets cométaires et météoritiques. La matière organique interstellaire contenue dans les glaces subit tout au long de cette évolution différents degrés de transformations: cycles thermiques, irradiations par des photons ultraviolet lointain, des particules chargés (protons et noyaux d’hélium) et des électrons, augmentant ainsi la complexité moléculaire, avant d’être incorporée dans des objets de type cométaires.
La formation de molécules prébiotiques telles que les acides aminés est proposée dans cette étude sur la base de résultats d’expériences en laboratoire simulant la chimie qui se déroule dans les glaces du milieu interstellaire dans un environnement protostellaire.
Dans un premier temps nous mettons en évidence par couplage entre la spectrométrie infrarouge et la spectrométrie de masse la formation thermique d’un sel d’ammonium, isomère de la glycine: le méthylammonium méthylcarbamate [CH3NH3+][CH3NHCOO–]. Ce dernier est formé dans des glaces analogues à celles du milieu interstellaire à partir de deux molécules d’intérêt astrophysique, le dioxide de carbone (CO2) et la méthylamine (CH3NH2). Dans un deuxième temps, nous étudions à l’aide de la spectrométrie infrarouge le comportement photochimique de ce sel lorsque ce dernier est soumis à un flux de photons ultraviolet lointain.
A l’aide d’une étude cinétique, nous montrons que la formation du sel d’ammonium est fortement envisageable dans les glaces du milieu interstellaire. Sous un champs de rayonnement ultraviolet, nous montrons que ce sel s’isomérise en un sel de glycine: le méthylammonium glycinate [CH3NH3+][NH2CH2COO–] ce qui nous amène à la conclusion que le méthylammonium méthylcarbamate peut rentrer dans la composition des glaces interstellaires/cométaires et qu’il constitue, un précurseur de méthylammonium glycinate. Les comètes sont l’une des pistes possibles d’apport, par impacts sur la Terre primitive, de molécules prébiotiques essentielles à l’émergence de la vie sur cette dernière. La détection de la glycine (NH2CH2COOH) et de la méthylamine (CH3NH2) dans les échantillons de la comète 81P/Wild 2 (mission Stardust) [1, 2] corroborent nos résultats.
[1] Glavin, D. P., Dworkin, J. P., & Sandford, S. A. 2008, Meteoritics & Planetary Science, 43, 399
[2] Sandford, S. A., Aleon, J., Alexander, C. M. O’D, et al. 2006, Science, 314, 1720
Pour en savoir plus :
Methylammonium methylcarbamate thermal formation in interstellar ice analogs: a glycine salt precursor in protostellar environments, J.-B. Bossa, F. Duvernay, P. Theulé, F. Borget, L. d’Hendecourt, and T. Chiavassa, Astronomy & Astrophysics, In Press.
DOI: 10.1051/0004-6361/200912850
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