Par Franck Selsis (chercheur au Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux)
Kappa 1 Ceti est une étoile du voisinage solaire située à 30 années-lumière du Soleil. Une équipe internationale dirigée par Ignasi Ribas (IEEC, Barcelone) vient de publier dans The Astrophysical Journal une étude montrant que cette étoile a des caractéristiques très proches de celles du Soleil lorsque celui-ci était âgé de 600 à 700 millions d’années seulement.Grâce à la proximité de cette étoile, nous disposons d’observations de son spectre d’émission dans le domaine des UV extremes et lointains, obtenues avec des observatoire spatiaux tel que Hubble et FUSE.
Nous pouvons ainsi avoir une bien meilleure idée de ce qu’était le spectre du Soleil jeune il y a 3.9 milliards d’années. Les modèles d’évolution stellaire contraignent de façon précise le spectre des étoiles de type solaire et leur évolution au cours du temps dans le domaine visible et infrarouge mais pas dans le domaine UV. L’émission de l’UV lointain et extrême provient en effet de la chromosphère des étoiles et est reliée à l’activité magnétique pour laquelle nous ne disposons pas de modèle d’évolution précis. Le seul moyen de « remonter le temps » est donc d’observer le spectre d’une étoile de type solaire mais plus jeune.
On savait que le Soleil jeune était globalement moins lumineux que le Soleil actuel (c’est à dire dans le domaine visible et infrarouge) et qu’il était par contre plus lumineux dans le domaine X et extrême UV. La question de l’UV lointain restait toutefois ouverte, jusqu’à cette étude, qui montre que le flux dans l’UV lointain pour un Soleil jeune est supérieur à ce qui était supposé jusqu’ici. (voir figure ci-dessous).
Connaitre le rayonnement UV du Soleil dans son passé lointain est essentiel pour modéliser les propriétés des atmosphères des planètes primitives du Système Solaire. Le rayonnement UV extrême et lointain est en effet à l’origine de phénomènes d’échappement atmosphérique (la fuite de gaz de l’atmosphère dans l’espace), très importants pour l’évolution de l’atmosphère de Mars et de Vénus. L’UV lointain est par ailleurs l’initiateur des processus photochimiques qui ont lieu dans les atmosphères. La complexification de molécules organiques, telle qu’on l’observe sur Titan, et telle qu’elle a pu se produire sur la Terre primitive, est la conséquence des photodissociations induites par ce rayonnement.
Il y a 3.9 milliards d’années et avant, la chimie atmosphérique a pu jouer un rôle dans l’apparition de la vie sur Terre en produisant des molécules prébiotiques. La quantité et la nature de ces molécules est dépendante du spectre de rayonnement UV que recevait alors la Terre. Cette étude nous apporte donc une donnée précieuse qui nous permet de modéliser de façon plus fiable les processus atmosphériques à une époque qui a vu la vie apparaitre sur notre planète.
Des résultats plus significatifs encore sont attendus puisque l’équipe qui a publié cet article travaille maintenant sur d’autres étoiles de type solaire ayant des âges différents, couvrant ainsi une plus large plage de l’évolution primordiale d’un « Soleil ».
Pour en savoir plus :
Evolution of the solar activity over time and effects on planetary atmospheres. II. kappa1 Ceti, an analog of the Sun when life arose on Earth, (In Press), ApJ ArXiv
I. Ribas (ICE, CSIC-IEEC, Spain), G. F. Porto de Mello (U. Rio Janeiro, Brazil), L. D. Ferreira (U. Rio Janeiro, Brazil), E. Hebrard (LAB, Bordeaux, France), F. Selsis (LAB, Bordeaux, France), S. Catalan (U. Hertfordshire, UK), A. Garces (ICE, CSIC-IEEC, Spain), J. D. do Nascimento Jr. (U. F. Rio Grande Norte, Brazil), J. R. de Medeiros (U. F. Rio Grande Norte, Brazil)
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