Par Frances Westall, chercheur au CBM, Orléans.
Une mission spatiale est actuellement en préparation afin de chercher des traces de vie dans des roches martiennes. Prévue pour un lancement en 2018, elle combine les missions européenne, ExoMars, et américaine, Max-C, initialement développées. Elle constitue la première étape du projet Mars Sample Return dont l’objectif est de sélectionner et de stocker des roches avant de les renvoyer sur Terre en 2025.
Pour rechercher de la vie sur Mars il faut répondre à deux questions : quel genre de vie peut-on s’attendre à trouver sur Mars ? et quelle stratégie utiliser pour en identifier les éventuelles traces? Pour répondre à ces questions notre approche consiste à se servir de roches terrestres très anciennes qui se sont formées à la même époque que le Noachien martien (de -4,1 à -3,5 Ga). La planète rouge avait alors un environnement habitable, avec notamment de l’eau liquide en surface. Cette similitude dans les conditions environnementales sur la jeune Terre et la jeune Mars laisse penser qu’une vie martienne aurait pu y apparaître et y survivre pendant au moins plusieurs centaines de millions d’années. Comme sur la jeune Terre, les sédiments volcaniques et leurs produits d’altération (argiles, phyllosilicates) qui se sont déposés sur le littoral de grands bassins, auraient pu être le lieu de développement de colonies microbiennes. Par exemple, des organismes chimiolithotrophes auraient pu coloniser la surface de grains volcaniques, la poussière volcanique et les pores de morceaux de pierre de ponce, ou des organismes phototrophes auraient pu se développer et former des tapis sur les surfaces de sédiments exposés à la lumière du Soleil. Si tel est le cas, ces microbes pourraient alors être encore présents sous forme de fossiles, cachés dans les sédiments martiens de plus de 3,5 Ga.
Afin d’élaborer une stratégie pour détecter ces hypothétiques fossiles, nous avons donc analysé des roches terrestres vieilles de 3,446 Ga provenant du Kitty’s Gap Chert, du Craton de Pilbara en Australie. L’étude de ces roches contenant parmi les plus anciennes traces de vie terrestre nous a permis de caractériser l’environnement géochimique à l’échelle des microbes, de l’ordre de quelques dizaines à plusieurs centaines de micromètres. De petits filaments (de 0,3 µm d’épaisseur et de plusieurs dizaines de micromètres de longueur) ainsi que des colonies et des chaînes de petites coques microbiennes (0,4-0,8 µm) silicifiés ont ainsi été analysés. Leur origine biologique à pu être démontrée à partir de leur morphologie, leur composition carbonée, leur composition isotopique en carbone et leur distribution par rapport à des micro-habitats. En effet, ces traces très anciennes sont particulièrement délicates à étudier ; elles ne sont pas visibles à l’œil nu ni même au microscope optique par exemple. Leur identification nécessite donc l’utilisation d‘instruments de très haute résolution et de très haute performance. De tels équipements n’étant pas spatialisables, cette étude montre qu’il sera probablement impossible d’identifier sans ambiguïté des traces de vie directement à la surface Mars et qu’il faudra attendre les échantillons rapportés sur Terre en 2025. La stratégie utilisée pour réaliser ces analyses devra alors être la même que celle utilisée lors de l’étude des plus anciennes traces de vie fossile terrestre.
Ces travaux viennent d’être publiés dans Planetary and Space Science :
Westall, F., et al., 2011. Volcaniclastic habitats for early life on Earth and Mars: A case study from 3.5 Ga-old rocks from the Pilbara, Australia. Planetary and Space Science 59 (2011) 1093–1106
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