Par Jean-Baptiste Bossa, Leiden University – Sackler Laboratory for Astrophysics
L‘origine de la complexité moléculaire observée dans de nombreuses régions de l’espace demeure à l’heure actuelle l’une des grandes énigmes posées aux astrophysiciens. De récentes études basées sur des expériences en laboratoires, observations et modèles astrochimiques ont prouvé que la majorité des molécules organiques observées dans le milieu interstellaire (MIS) se forme à la surface de grains de poussière qui ont un rôle de catalyseur. Certaines de ces molécules, p. ex. glycoaldehyde, méthylamine, sont des précurseurs de molécules prébiotiques, susceptibles de participer à l’apparition de la vie sur terre.
La surface des grains de poussière interstellaire peut être recouverte de molécules en phase solide. Ces glaces interstellaires sont composées en majorité d’eau amorphe, plus ou moins poreuse selon son origine, et de petites molécules formées des éléments les plus abondants du MIS: H, O, C et N. Si la glace est irradiée par un rayonnement ultraviolet provenant d’étoiles proches ou d’autres sources de photons au voisinage, des processus de photodissociation peuvent conduire à la formation de radicaux hautement réactifs. Ces derniers peuvent se recombiner et conduire à la formation de nouvelles molécules plus complexes. Une glace d’eau amorphe et poreuse présente l’avantage d’être chimiquement plus réactive qu’une glace non poreuse, car elle dispose d’une plus grande surface effective pour la catalyse, et elle peut adsorber et piéger une plus grande quantité d’espèces volatiles. C’est pour cela qu’il est essentiel d’étudier et de modéliser la structure de la glace d’eau en fonction des conditions rencontrées dans le MIS.
L’équipe du Sackler Laboratory for Astrophysics de l’université de Leyde (Pays-Bas) s’est intéressée de près à la structure de la glace d’eau amorphe et poreuse en fonction des conditions thermiques rencontrées dans le MIS. En utilisant une technique d’interférométrie optique couplée à de la spectroscopie infrarouge, les auteurs démontrent un effondrement structurel dès 20 K dans des échantillons de glaces d’eau amorphes présentant différents degrés de porosité. Cet affaissement pouvant atteindre jusqu’à 12% en terme d’épaisseur pour les glaces d’eau les plus poreuses. Ces “avalanches” de molécules d’eau changent la structure de la glace, ce qui peut avoir un réel impact sur la diffusion des espèces réactives, facilitant ainsi leurs déplacements au sein des glaces et permettant la formation de molécules organiques complexes.
Pour en savoir plus:
J.-B. Bossa, K. Isokoski, M. S. de Valois, and H. Linnartz, Thermal collapse of porous interstellar ice, A&A 545, A82 (2012) (lien)
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