On ne devient pas exobiologiste, mais d’abord chimiste, biologiste, géologue, astronome…
L’exobiologie (ou astrobiologie) signifie étymologiquement « la science du vivant en dehors de la Terre ». Mais c’est en réalité une rencontre de disciplines qui mettent en commun leurs outils et méthodes avec l’objectif de comprendre les processus qui ont abouti à l’émergence de la vie puis à son développement sur Terre afin d’éclairer les recherches de vie ailleurs dans l’Univers. En fait, la recherche en exobiologie ne peut exister qu’avec la participation de chercheuses et chercheurs possédant des connaissances précises dans des domaines différents et « apportant chacun leur pierre à l’édifice ». Il n’existe pas à proprement parler de formation pour devenir exobiologiste, qui nécessiterait d’assimiler et maîtriser des connaissances approfondies allant de la physique jusqu’à la biologie, en passant par la chimie et la géologie. Pour faire de l’exobiologie, il faut choisir une discipline pour laquelle on a une affinité particulière avant de rejoindre les questionnements exobiologiques par le biais des concepts, outils et méthodes de cette discipline.
Quels sont les métiers de l’exobiologie ?
Les chercheuses et chercheurs de différentes disciplines sont au cœur de l’exobiologie. Astronomes, biologistes, chimistes, géologues… établissent et mettent en œuvre les recherches du domaine. Par exemple, des chimistes spécialisés en planétologie peuvent avoir à analyser et interpréter la composition de la surface d’un objet du système solaire, comme le fait Olivier Poch, qui cherche actuellement à détecter des matériaux provenant de l’océan interne et remontés à la surface d’Europe, l’un des principaux satellites de Jupiter. Il travaille à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG). D’autres chimistes peuvent être amenés à faire des expériences de simulation en laboratoire afin d’étudier des mécanismes moléculaires qui auraient pu se dérouler sur la Terre primitive, avant l’apparition de la vie, ou dans des environnements extraterrestres. La compréhension des processus chimiques à l’origine de la vie se fait grâce à la chimie prébiotique et à la biochimie. Du côté de la biologie, des microbiologistes feront des études sur l’adaptation des microorganismes dans différents environnements ou dans certaines conditions limites, comme Purificación López-García, directrice de recherche au CNRS dans l’unité Écologie, systématique et évolution. Elle et son équipe contribuent à comprendre comment la vie a évolué et s’est diversifiée sur Terre en effectuant des campagnes de terrain pour prélever des organismes adaptés à des environnements extrêmes, et par des expériences, de la mise en culture et des séquençages de génomes de ces communautés microbiennes. Le but est d’obtenir des arbres phylogénétiques permettant d’établir les relations de parenté entre lignées d’organismes et de comprendre leur évolution. Les géologues travailleront sur les roches les plus anciennes trouvées sur Terre pour mieux caractériser l’environnement primitif de notre planète, et rechercheront les plus anciens fossiles attestant de la présence de vie sur Terre. Ou bien, ils démontreront que sur Mars, la présence de certaines roches atteste que de l’eau liquide a forcément coulé par le passé à la surface de la planète rouge.
Les astronomes étudient les galaxies, étoiles, planètes, etc… Certains s’intéressent, sur la base d’observations et de modèles physiques, à la formation stellaire et à la formation des planètes. Comment la Terre a-t-elle été formée ? Les processus qui ont conduit à faire de notre planète ce qu’elle est sont-ils plutôt banaux ou bien le fruit d’une accumulation de hasards extraordinaires ? De quoi dépendent la nature des atmosphères, des climats possibles qui feront d’une planète ou d’une exoplanète un monde habitable ? Toutes ces recherches qui entrent dans le périmètre de l’astronomie, de l’astrophysique intéressent évidemment l’exobiologie. Cette liste d’exemple n’est pas exhaustive, il y a mille et une manières de faire de l’exobiologie !
« Le travail du chercheur est de mettre en œuvre les moyens et les techniques qu’il peut avoir à sa disposition pour répondre aux questions scientifiques qu’il se pose. En ce qui concerne les astronomes, c’est par exemple aller observer dans un observatoire pour y collecter des données qui sont ensuite analysées au retour au laboratoire pour répondre aux questions scientifiques initialement posées. Ces résultats d’analyse sont ensuite publiés et contribuent au progrès scientifique sur les questions d’astrophysique en général. Ce cheminement du travail du chercheur (ce cycle collecte de données, analyse et publication) est le même dans tous les domaines, pas seulement en astronomie. » explique Luc Arnold, astronome résident à Hawaï, qui travaille au télescope CFHT (Canada France Hawaï Télescope) pour la recherche d’exoplanètes.
En plus des chercheuses et chercheurs, les technicien(ne)s, ingénieur(e)s qui travaillent dans les laboratoires de recherche jouent un rôle indispensable : par exemple contribuer à fabriquer des instruments de mesure en astronomie pour la recherche en exobiologie : des télescopes spatiaux (placés en orbite) ou terrestres.. Ce sont des rôles qui touchent à la conception générale, la mécanique, l’optique, la thermique, la radiocommunication, le traitement du signal, le traitement de l’image, la programmation, la connaissance des matériaux etc… L’ingénierie est aussi à l’œuvre quand il s’agit d’adapter un instrument d’analyse chimique pour qu’il soit embarqué dans une sonde spatiale et adapté aux contraintes des missions (énergie limitée, vibrations et chocs, températures extrêmes…). Les ingénieur(e)s mettent aussi en œuvre les techniques et instruments permettant d’obtenir des échantillons ou de les analyser en laboratoire de chimie, biologie ou géologie. Devenir chercheur ou chercheuse requiert un doctorat, le plus haut niveau de diplôme universitaire. Mais du côté technique et ingénierie, il existe des opportunités d’embauche dans des laboratoires de recherche après un BUT (Bachelor Universitaire de Technologie), une licence, un master, ou une école d’ingénieur.
L’exobiologie a besoin de toutes ces spécialités pour être équilibrée : les chimistes, les biologistes, les géologues, les astronomes, les ingénieurs etc… Au-delà de ces sciences, interviennent aussi des philosophes, des épistémologues (spécialistes de l’histoire de science) qui contribuent à la réflexion autour de la définition du vivant et peuvent réfléchir aux répercutions éthiques et sociétales que provoquerait la découverte d’une vie extraterrestre. Enfin, des journalistes ou des auteurs en relation avec des scientifiques peuvent aussi transmettre les actualités en exobiologie au grand public, en communiquant des résultats de recherche grâce à une base de connaissances scientifiques dans le domaine, alimentées par leurs investigations. Par exemple, Florence Raulin-Cerceau, qui est muséologue et chercheuse en histoire et en épistémologie de l’exobiologie a également été journaliste pendant 5 ans. Elle a participé à la conception de la Grande Galerie de l’Évolution au Muséum National d’Histoire Naturelle et travaille actuellement au centre Koyré.
Il est impossible d’avoir les acquis entiers de chaque domaine de l’exobiologie, à moins d’avoir eu plusieurs vies ! Il faut donc choisir une voie scientifique qui vous passionne et rechercher des opportunités de recherche en exobiologie en stage de master ou bien en thèse au sein d’un laboratoire car c’est cela qui vous donnera l’occasion de vous rapprocher de l’exobiologie. En fait, exobiologiste n’est pas un métier ou une fonction. Toute une communauté nationale et internationale est impliquée dans des recherches et travaille dans un but commun qui est d’augmenter les chances de découvrir de la vie ailleurs. Vous ne trouverez pas de « formation à l’exobiologie » unique et directe à proprement dite. Quoi qu’il arrive, une formation scientifique dans un des domaines cités plus haut est nécessaire pour travailler dans la recherche en exobiologie. Mais attention, en plus de vos connaissances scientifiques, il faudra absolument avoir un bon niveau d’anglais et de français. En effet, un chercheur doit aussi rédiger les résultats de ses recherches et savoir les critiquer, ce qui requiert une très bonne expression.
Les thèses qui se rapportent à l’exobiologie sont des thèses en chimie, biologie, géologie, (astro)physique, etc… Cependant, certains chercheurs rejoignent l’exobiologie longtemps après leur thèse, donc la spécialisation n’est pas obligatoire dès le master ou la thèse. Le plus souvent, les chercheurs travaillent dans le domaine public par exemple au CNRS ou bien en université.
Si vous interrogez des chercheuses et chercheurs, les principales qualités que l’on doit avoir sont la curiosité, l’ouverture d’esprit et l’ouverture aux autres disciplines, la patience, la persévérance, un esprit critique et savoir sortir des sentiers battus.
De plus, d’après Purificación López-García, « Il faut apprendre les concepts de base des autres disciplines et comprendre leur langage pour pouvoir interagir à l’interface. Il faut avoir l’humilité de dire que l’on ne sait pas quelque chose. Il est important d’avoir un dialogue honnête et humble pour travailler sur un objectif commun. »
Quelques témoignages et parcours pour aller plus loin :
« Que conseillez-vous à un(e) étudiant(e) en licence ou à un(e) lycéen(e) qui se pose la question de travailler dans l’exobiologie mais qui ne sait pas par quelle voie passer ? ».
« Elle ou il doit faire ce qui lui plait le plus et choisir les matières pour lesquelles cette personne a des capacités. Il faut choisir des disciplines spécifiques. Il y a plein de domaines scientifiques différents qui sont très nombreux et qui permettent de travailler sur des questions liées à l’exobiologie. »
Olivier Poch (olivier.poch@univ-grenoble-alpes.fr)
« Comme il n’y a pas de formation d’exobiologie, il faut choisir une spécialité. Quelqu’un qui veut travailler sur l’origine de la vie peut l’aborder par la chimie prébiotique, la biologie moléculaire, la micropaléontologie etc… par différentes voies. Il faut que cette personne sache ce qui la passionne et s’oriente dans les grandes lignes plutôt vers la chimie, la biologie, la physique, la géologie… il faut arriver avec un profil qui est déjà ciblé dans une autre discipline qui rentre dans l’exobiologie. Il me semble difficile qu’il y ait, dès la licence, une formation d’exobiologie parce qu’il faut acquérir les bases nécessitant de rentrer dans cette discipline complexe bâtie à l’aide de nombreux domaines. Il faut au départ avoir une orientation scientifique qui permet par la suite de se diriger vers l’une des facettes de l’exobiologie. »
Florence Raulin-Cerceau (florence.raulin-cerceau@mnhn.fr)
« L’exobiologie est un domaine scientifique qui regroupe des biochimistes, des biologistes, des chimistes, des géologues, des astronomes, des physiciens etc… Toutes les disciplines sont représentées. La question de la vie et de sa définition relève aussi de questions philosophiques, on peut donc aussi travailler avec des philosophes ou des chercheurs en épistémologie. Je dirais qu’un étudiant en biologie qui s’intéresse à l’exobiologie est sur la bonne voie pour ‘faire de l’exobiologie’ plus tard. Et un étudiant en physique qui veut faire de l’astrophysique et qui s’intéresse à l’exobiologie est lui aussi dans la bonne voie ! »
Luc Arnold (larnold@cfht.hawaii.edu)
« On peut aborder la question de l’exobiologie à partir de différentes thématiques. C’est la personne qui doit choisir par quelle voie entrer en fonction de ses goûts et de ses compétences. »
Purificación López-García (puri.lopez@universite-paris-saclay.fr)
En conclusion, vous l’aurez compris, le titre de cet article : « comment devient-on exobiologiste ? » a comme réponse : la recherche de vie ailleurs couvre des domaines trop vastes pour en maitriser tous les aspects… Il faut être spécialiste dans un domaine scientifique puis orienter son travail de recherche sur des questions concernant l’exobiologie.
En suivant ce lien : https://astrobioeducation.org/fr/video/1, vous trouverez une vidéo explicative de 5 min de ce qu’est l’exobiologie, accompagnée d’un petit quiz pour vérifier que vous êtes maintenant incollable sur le sujet !
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Article rédigé en 2022 par Marine Laplace, stagiaire en médiation scientifique au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques