Par Yves Ellinger,
Monsieur Berthier nous a quitté,
Le 30 Décembre dernier, Monsieur Berthier nous a quitté, foudroyé par un AVC en arrivant au laboratoire. C’est sans doute la fin qu’il avait inconsciemment choisie pour refermer le dernier chapitre d’une vie entière dédiée à la science.
Né en 1923, année durant laquelle la communauté scientifique célébrait le dixième anniversaire de l’atome de Bohr et qui vit la publication fondamentale de la mécanique ondulatoire par Louis de Broglie, Gaston Berthier était prédestiné à la Chimie Quantique. Après une courte expérience de laborantin passée à effectuer des dosages acide-base du côté d’Aubervilliers, il rejoignit à l’institut du Radium le groupe de jeunes pionniers qui allaient animer ce qui deviendrait l’Institut de Biologie Physicochimique, tout en assurant une direction scientifique active au laboratoire de Chimie de l’ENS. A partir de cette époque, GB pour ses proches, fut un acteur majeur de la chimie quantique sur la scène mondiale. Il est le père de plusieurs théories qui marquèrent le développement de la discipline et qui sont toujours d’actualité ; il faut en particulier citer la théorie Hartree-Fock sans contrainte de spin pour les systèmes à électrons non appariés, plus connue sous le sigle anglo-saxon de Méthode UHF (1954) ; plus tard, associé à l’un de ses élèves de l’ENS, B. Lévy, il publia le théorème de Brillouin généralisé (1968) qui est à la base du développement des méthodes autocohérentes multiconfigurationnelles rassemblées sous le sigle MCSCF.
L’impact de Gaston Berthier sur la Chimie Quantique en France est considérable, tant par ses contributions scientifiques que par son influence sur des générations de jeunes chimistes théoriciens. Il était un féministe convaincu qui a poussé nombre de jeunes femmes à s’affirmer dans cette discipline théorique. Cette influence va bien au delà de l’hexagone car il est l’un des fondateurs des CHITEL, véritables creusets intellectuels des Chimistes Théoriciens d’Expression Latine, dont il a favorisé l’extension hors de l’Europe (Québec, Amérique du Sud, Maghreb).
Gaston Berthier fut (exo)biologiste avant l’heure ; ses premières publications portent sur les PAHs, non pas comme molécules astrophysiques, mais comme molécules cancérigènes. Il était présent à la première réunion à Roscoff et a participé activement aux écoles d’exobiologie de Propriano. Ces dernières années, il s’intéressait aux possibilités de construire des systèmes prébiotiques à base de silicium. Son testament scientifique se trouve probablement dans son dernier livre « Nécessaire de chimie théorique » paru en 2009, livre qui rassemble ses analyses critiques de la discipline tout en résistant aux dérives de la mode et du politiquement correct.
Jusqu’au bout il sera resté Monsieur Berthier, la seule personne pour laquelle, le nom de Monsieur soit devenu un prénom. Ce n’était pas pour marquer une quelconque distance ou allégeance, car il était très près de ses collègues comme de ses jeunes étudiants mais simplement parce que cela venait naturellement, Monsieur. Il avait l’habitude de dire, avec le sourire provocateur qui le caractérisait si bien : « Bof, les cimetières sont remplis de gens irremplaçables ! ». Au delà de toute ironie, dans ce cas précis nous prendrons votre remarque au premier degré et ajouterons : vous avez encore raison Monsieur Berthier.
Avec le décès de Monsieur Berthier, c’est un géant qui s’en va, un des premiers exobiologistes, mais surtout un ami qui disparaît.
Bonsoir,
J’ai connu Monsieur Berthier sur le tard, en 2008 exactement, mais sa renommée l’avait précédée.
Malgré le peu d’échange que j’ai eu avec lui, ce Monsieur restera à jamais inoubliable pour moi, ces mots sont pleins de sagesse et ces analyses très pertinentes.
Qu’il retrouve la paix et le salut eternels.
Et voilà ! C’est juste maintenant, plus d’un an après, que j’apprends que Berthier est mort . Ah! je m’en veux … S’il en est un que j’aurais accompagné à sa dernière demeure comme on dit, c’est bien lui. Déjà dans les années 80 où j’étais encore à Paris, j’avais perdu Pierre Claverie ( 1988 ), un pur lui aussi, pas de ces affamés de notoriété qui se dispersent à tout va signant à tout propos des articles qu’ils ont à peine supervisés, qui le plus souvent seront aussitôt oubliés, encombrant les Chemical Abstracts, mais du solide, du vrai en matière d’investissement désintéressé, … . La Chimie Quantique, GB, il fallait bien y croire, et tu faisais de ton mieux pour » dire » les résultats que crachaient les ordinateurs, mais au fond, hein, entre nous, modélisation que tout celà, ad hoc le maître mot : qui montrera que la valence de l’atome d’hydrogène est égale à un, et celles des autres atomes à la suite ? Ça fait partie des sujets à risque(s), non ?
Je ne sais pas qui lira ce comment-taire pas très orthodoxe mais j’ai ma petite idée à propos de qui se croira en devoir d’y répondre.RfP