Alain Léger et Marc Ollivier
Plus de 2 millénaires après les premiers écrits sur la possibilité de l’existence d’autres mondes, habités ou pas, une nouvelle approche de la question est possible, non plus dogmatique, théologique ou philosophique, mais observationnelle, scientifique, basée sur la recherche pas à pas, d’objets toujours moins massifs jusqu’à atteindre la masse de la Terre. Nous présentons dans cet article cette approche, ses premiers résultats impressionnants, ainsi que les différentes étapes qui devraient mener à la découverte, d’ici quelques années, des premières planètes comparables en masse et température à la Terre et peut-être, permettre la mise en évidence à distance des signatures de vie. Nous présentons différents concepts instrumentaux qui d’ici à une dizaine d’années devraient nous ouvrir un nouveau regard sur notre situation dans l’univers.
1. UN PEU D’HISTOIRE
La question de l’existence d’autres planètes, habitées ou non, dans l’univers, est certainement l’une des plus anciennes questions posées aux astronomes, sitôt l’analogie faite entre notre soleil, et toutes les étoiles du ciel. La question dépasse en effet le simple cadre scientifique et touche celui de la métaphysique. On trouve des traces de ce débat dès l’Antiquité, chez Métrodore de Chios, ou Epicure par exemple.
Pendant plusieurs millénaires, ce débat restera du domaine de la conviction personnelle et en conséquence, de l’affrontement dogmatique quand cette conviction personnelle s’en viendra à heurter le dogme officiel, et en particulier, celui de l’Eglise toute-puissante au Moyen Age. En publiant en 1585 « L’infini, l’Univers et les mondes », Giordano Bruno, « l’agitateur », exprime publiquement des idées qui commencent à émerger. Il en payera le prix fort, en 1600 en étant condamné au bûcher par le tribunal de l’Inquisition. Huygens (1629-1695) reformulera un peu tard clairement ces idées maintenant bien répandues chez les penseurs. Il faut attendre le début du XXe siècle pour que les progrès réalisés dans le domaine de l’instrumentation astronomique puissent permettre une nouvelle approche observationnelle et scientifique de la question, et lancer la course vers la découverte d’objets de masse sans cesse plus faible. Ce sont des techniques semblables à celles qui sont utilisées actuellement pour la recherche de planètes, qui ont apporté les premiers éléments observationnels de la discussion dès les années 1930 : la vélocimétrie radiale par effet Doppler, et l’astrométrie [note 1].
Toutefois, la jeunesse de ces méthodes pointues et le mauvais contrôle des biais expérimentaux n’a pas permis à cette époque d’arriver à des conclusions précises et indubitables.
L’avènement des techniques de haute résolution angulaire couplées à une grande dynamique, speckle interférométrie, optique adaptative et coronographie, [note 2] au début des années 80 apporte également son lot d’observations, d’annonces fracassantes … et de démentis, mais pas encore de découvertes avérées… En 1992, Wolszczan et Frail annoncent la découverte de 3 planètes dont l’une comparable en taille à la lune autour du pulsar PSR 1257+12. La découverte ne déchaîne pas les passions car la première annonce intervient, ironie du sort, le jour même où une équipe concurrente menée par Andrew Lyne publie un démenti pour une découverte similaire autour du pulsar PSR 1829-10. De plus, ces planètes autour d’un pulsar intéressent peu, car l’environnement électro-magnétique du pulsar laisse peu de chance au développement éventuel de toute forme de vie sur ces planètes.
Les efforts en matière de développements instrumentaux, et en particulier concernant la technique de vélocimétrie radiale, aboutissent en 1995 à l’annonce de la découverte par Michel Mayor et Didier Queloz de la première planète extrasolaire (ou exoplanète) dénommée 51 Pégase B autour d’une étoile analogue à notre soleil.
2. QUE NOUS APPRENNENT LES PREMIERES DECOUVERTES DE PLANETES ?
À la date du 22 octobre 2004, 133 planètes extrasolaires géantes (les 3 planètes de Wolszczan étant considérées à part), regroupées dans 117 systèmes planétaires dont 13 multiples ont été détectées, principalement par la méthode des vitesses radiales (méthode indirecte), la même que celle utilisée pour détecter 51 Peg b. Ces planètes sont pratiquement toutes situées dans notre environnement proche à quelques dizaines d’années-lumière de notre Soleil et donc a fortiori, dans notre galaxie. La détection de ces objets résulte de l’observation d’environ 4000 étoiles. Les étoiles observées sont essentiellement des étoiles comparables à notre Soleil. L’échantillonnage temporel et l’historique des observations est très variable au sein de l’échantillon. Certaines étoiles sont observées depuis le début des programmes de mesure (1994), d’autres ont été ajoutées récemment, quand l’arrivée de nouveaux instruments à permis d’augmenter le nombre de cibles potentielles. Enfin, on peut estimer le rythme actuel d’annonces de découvertes de planètes géantes à environ une douzaine d’objets par an. Récemment, 2 découvertes ont eu un retentissement médiatique certain : la découverte de 3 planètes « légères » de 15 masses terrestres environ, comparables en masse à Uranus et la première image d’une planète extrasolaire par le VLT. Ce dernier objet baptisé 2M1207b serait une planète de 5 masses de Jupiter en orbite autour d’une naine brune (objet dont la faible masse ne permet pas l’amorçage des réactions de fusion nucléaire comme les étoiles classiques). La brillance de 2M1207b qui a permis son observation directe s’expliquerait par la jeunesse du système : 8 millions d’années seulement.
2.1. DISTRIBUTION EN MASSE DES EXOPLANETES
Cette distribution est très piquée vers les objets de faible masse (M < 5 masses de Jupiter). Il ne s’agit pas d’un biais observationnel. Cela signifie que le processus de formation des planètes géantes semble a priori permettre ou tout au moins favoriser la formation d’objets de masse relativement faible.
2.2. DISTRIBUTION EN DISTANCE
Il y a clairement une distribution bimodale de la répartition en distance des exoplanètes avec i) des planètes à très courte distance de leur étoile centrale, typiquement 0.05 u.a. (1 u.a. = distance Terre-Soleil 150 millions de km), les « jupiters chauds » (taille de Jupiter, proximité de l’étoile), ii) peu d’objets vers 0.3 u.a. iii)des planètes à distance plus grande que 0.3 u.a. réparties de manière assez uniforme.
Cette distribution bimodale en distance montre que les objets ne sont pas équi-répartis et qu’il y a des orbites stables privilégiées, dont certaines sont très proches de leur étoile. On peut chercher des explications de cette observation dans le processus de formation des planètes. On peut également envisager la possibilité que l’orbite d’une planète varie au cours du temps. On est alors conduit à émettre l’hypothèse des migrations d’orbites.
2.3. MIGRATIONS D’ORBITES
L’invocation de mécanismes de migrations d’orbites est nécessaire pour expliquer la réalité des « jupiters chauds ». En effet, la formation de ces objets si près de leur étoile n’est pas compatible avec les modèles actuels de disques proto-planétaires (disques de poussière et de gaz dans lequel se forment les planètes) pour lesquels la température et la densité à cette distance interdit toute formation de ce qui compose le noyau de ces planètes.
Si les jupiters chauds ne se forment pas à leur position actuelle, et qu’ils migrent, il faut trouver un ou plusieurs mécanismes qui puissent permettre d’expliquer ce phénomène. Plusieurs hypothèses de mécanismes ont été formulées : De tous ces mécanismes, c’est celui du transfert de moment angulaire entre une planète et le disque qui est le plus étudié. Les modèles actuels montrent qu’il est possible de faire migrer des planètes de taille variable en des temps suffisamment courts pour que le phénomène puisse être achevé avant la dissipation du disque (quelques centaines de milliers d’années au maximum). Dans le cas des planètes géantes, la migration doit se traduire par la formation d’un sillon dans le disque protoplanétaire. Ce dernier point peut constituer un bon test observationnel pour infirmer ou confirmer le mécanisme.
2.4. EXCENTRICITE DES ORBITES DES EXOPLANETES
Deux points observationnels sont particulièrement remarquables : i) pour des périodes orbitales inférieures à 10 jours, les orbites des exoplanètes sont pratiquement circulaires, ii) au-delà de 10 jours de période, et contrairement à ce que l’on observe dans le système solaire (les planètes du système solaire ont une excentricité faible) il ne semble pas y avoir de corrélation entre excentricité et période orbitale. C’est également le cas des étoiles évoluant dans des systèmes stellaires multiples.
On peut expliquer la circularisation des orbites proches par des effets de marée. En effet, si la planète est proche de l’étoile, le gradient du potentiel gravitationnel crée une attraction différentielle sur la planète entre le bord le plus proche de l’étoile et le plus éloigné. Le résultat est la formation d’un bourrelet au niveau des couches externes de la planète. Ce bourrelet est à l’origine d’une dissipation d’énergie par friction avec les couches internes de la planète (friction dynamique). Globalement, cette friction entraîne une perte d’énergie orbitale, ce qui circularise l’orbite. Comme évoqué précédemment, les planètes de période supérieure à 10 jours semblent avoir une distribution en excentricité comparable aux étoiles dans des systèmes multiples. On peut expliquer ce fait en considérant le fait qu’à plus longue distance de l’étoile mère, les interactions avec le disque protoplanétaire ou avec les autres planètes et étoiles de l’environnement immédiat deviennent prédominantes par rapport aux forces de marées qui tendent à circulariser les orbites. Ces interactions ont pour résultat une augmentation de l’excentricité des systèmes stellaires ou planétaires par rapport à l’excentricité des systèmes initiaux. En ce qui concerne le système solaire, l’absence d’objets massifs dans le proche voisinage solaire peut expliquer la faible excentricité des orbites des planètes.
2.5. METALLICITE DES ETOILES AYANT DES EXOPLANETES
La classification périodique des éléments, pour les astronomes, se résume à trois catégories : i) l’hydrogène, ii) l’hélium, iii) tous les atomes plus lourds, dont l’abondance relative globale est appelée « métallicité ». Pour le Soleil, par exemple, la métallicité vaut 0.02. Il apparaît clairement que le nombre de planètes est plus élevé autour d’étoiles à forte métallicité. Ce résultat a été âprement discuté dans la communauté astronomique. La difficulté de ce genre d’étude est d’essayer de corriger les résultats des biais possibles et en particulier, dès le choix de l’échantillon observé. Ce résultat est maintenant bien accepté. Il tend à montrer que les planètes géantes se forment principalement autour des étoiles riches en éléments lourds ce qui est compatible avec le modèle standard de formation planétaire. Les observations futures (COROT et Kepler) devraient permettre de prolonger ce genre d’études aux planètes telluriques.
2.6. ATMOSPHERES ET SPECTRES DES EXOPLANETES GEANTES
A ce jour, il n’existe pas d’observation de spectre complet de planète extrasolaire, car ces dernières ont pratiquement toutes été détectées par des méthodes indirectes en observant leur étoile centrale. Cependant on peut trouver plusieurs modèles d’atmosphères dans la littérature. Tout l’enjeu des futures observations directes est de valider ces modèles. Quelques bribes d’information ont pu être cependant collectées en observant le spectre d’un objet (HD 209458) qui possède une planète que l’on peut voir transiter devant l’étoile depuis la Terre. Par spectroscopie différentielle avant et pendant le transit, on peut en déduire quelques informations sur la composition de l’atmosphère du compagnon.
3. A LA RECHERCHE DES PLANETES HABITABLES ET DES PLANETES HABITEES
Il existe actuellement un consensus dans la communauté des biologistes, chimistes, astrophysiciens, exobiologistes…. Pour définir la vie par 3 caractéristiques. On dit qu’un système est vivant si : i) il est structuré (il contient de l’information au sens entropique du terme), ii) il est capable de se reproduire, iii) il est capable d’évoluer par modification, adaptation du contenu informationnel vers un système plus performant.
Partant de ces seuls critères, la recherche de vie dans l’univers peut s’identifier à celle du Graal et semble a priori complètement inaccessible. En particulier, il semble difficile de traduire ces critères en termes d’observables. Compte tenu de la distance qui nous sépare des potentiels plus proches systèmes (quelques années-lumière à quelques dizaines d’années-lumière), il paraît inenvisageable d’espérer une recherche in situ d’ici quelques dizaines d’années.
La situation est moins désespérée si on considère que le nécessaire support de l’information que contiennent ces êtres vivants est constitué de molécules organiques qui réagissent en milieu aqueux. Nous ne détaillerons pas dans cet article les raisons qui nous poussent à ce « chauvinisme » de la chimie du carbone en solution dans l’eau mais elles sont nombreuses et justifiables. Si l’on suppose ainsi que l’on cherche une vie basée sur la chimie du carbone en solution aqueuse, il apparaît immédiatement des contraintes fortes sur les caractéristiques de la planète sur laquelle une telle vie peut exister : i) la planète doit avoir une surface solide (ou liquide), mais ne doit pas être géante gazeuse. On a alors affaire à des planètes dont les dimensions sont comparables à celles de la Terre, et nous parlerons de planètes telluriques, ii) la planète doit avoir une température de surface telle que de l’eau liquide (le solvant de la chimie) puisse exister durant tout ou une partie de son année. Cette caractéristique se traduit par une contrainte en distance de l’étoile à sa planète centrale, en faisant l’hypothèse classique d’un objet en équilibre radiatif avec son environnement. On dit que la planète doit se situer dans la zone d’habitabilité de l’étoile. Pour notre système solaire, la zone d’habitabilité s’étend entre 95% et 120% environ de la distance Terre-Soleil. Cette notion de zone habitable est particulièrement délicate car la composition chimique même de l’atmosphère de la planète peut jouer un rôle. En particulier, une planète dont l’atmosphère est riche en gaz à effet de serre pourra être habitable au sens « présence d’eau liquide à sa surface » mais être située au-delà de la limite classique de la zone habitable. Nous reviendrons sur ce point par la suite.
Il apparaît donc que la première étape de toute recherche commence par l’identification de planètes de petite dimension, des planètes telluriques. De toutes les méthodes actuellement en développement ou en fonctionnement pour rechercher les planètes extrasolaires, peu ont le potentiel de détecter des planètes telluriques en grande quantité : les précisions actuelles et ultimes des méthodes de vélocimétrie radiale limitent la technique à la recherche d’objets d’environ une dizaine de masse terrestres (à la distance de la Terre) : i) les méthodes astrométriques n’ont pas la précision requise dans la zone d’habitabilité, ii) les méthodes par effet de lentille gravitationnelle sont très aléatoires.
Seules les méthodes de recherche de planètes, par l’observation de transits depuis l’espace, ou par détection directe en infrarouge semblent en mesure de détecter des planètes telluriques en grande quantité.
La méthode de détection par observation des transits devrait être mise en œuvre dès 2006 dans le cadre de la mission COROT du CNES, puis vers 2010, avec Eddington de l’ESA et Kepler de la NASA [note 1]. Ces missions permettront de connaître la fréquence des planètes telluriques, leur distribution en taille, en distance à l’étoile, tout comme les programmes de mesure des vitesses radiales permettent de le faire pour les planètes géantes.
L’étude de l’atmosphère des exoplanètes telluriques ne peut se faire qu’après détection directe d’un de ces objets. Cette détection est doublement difficile car la planète est située à proximité immédiate de son étoile centrale dans le champ de vue de l’instrument, et le contraste de luminosité entre les deux objets est important (typiquement 7.106 à la longueur d’onde d’observation de 10 microns). A titre de comparaison, chercher à distinguer une planète comme la Terre autour d’une étoile proche (à environ 30 années-lumière) revient à chercher à observer un ver luisant situé à 30 cm à côté d’un phare de marine, situé à Marseille, alors que l’observateur se trouve situé à … Paris.
De toutes les méthodes d’observation directe, c’est l’interférométrie en frange noire (coronographie interférentielle) depuis l’espace qui semble, (avec dans une moindre mesure la coronographie directe dans le domaine du visible), la technique la mieux adaptée à la détection et l’analyse spectroscopiques des planètes telluriques [note 2]. En permettant d’obtenir des spectres d’exoplanètes dans le domaine 6-18 microns (domaine des signatures spectrales de la plupart des gaz atmosphériques), la mission Darwin de l’ESA devrait permettre dès 2015 d’observer quelques centaines d’étoiles, d’y identifier la présence des toutes les planètes géantes comme telluriques et d’en obtenir le spectre. Il sera ainsi possible de mettre en évidence la nature des atmosphères, oxydantes ou réductrices, en cherchant à mettre en évidence, des gaz en grande quantité comme CO2, CH4, H20, SO2, NO2, NH3…Des travaux actuellement menés sur la pertinence de différents bio-marqueurs semblent montrer que la triple détection dans l’atmosphère de la planète de CO2, H2O, et O3, l’ozone (issu de la photochimie de l’oxygène dans l’atmosphère) est un critère robuste de présence d’activité biologique à la surface de la planète. Dans l’état actuel des connaissances, aucun mécanisme physico-chimique ne permet de reproduire cette triple signature dans un certain domaine de conditions de température et de pression sans faire intervenir un phénomène biologique. Quoi qu’il en soit, la détection de cette triple signature ne constituera pas immédiatement la preuve absolue de l’existence de vie à la surface de l’objet. L’histoire des sciences et en particulier de la toute jeune « exoplanétologie » nous a montré, il y a peu, avec la découverte des jupiters chauds auxquels pratiquement personne ne s’attendait, qu’il faut se préparer à l’inattendu…
POUR EN SAVOIR PLUS
Mayor M., Frei P-Y., 2001, « Les nouveaux mondes du cosmos, A la découverte des exoplanètes », Editions du Seuil, Paris
Selsis F., Léger A. et Ollivier M., 2003 dans « les Traces du Vivant » Presses Universitaires de Bordeaux
Mayor M., Frei P-Y., 2001, « Les nouveaux mondes du cosmos, A la découverte des exoplanètes », Editions du Seuil, Paris
Selsis F., Léger A. et Ollivier M., 2003 dans « les Traces du Vivant » Presses Universitaires de Bordeaux
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[note 1]
DÉTECTION INDIRECTE DES EXOPLANÈTES |
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Il n’est pas forcément nécessaire de « voir » une exoplanète pour mettre en évidence sa présence autour d’une étoile. On dit couramment qu’une planète tourne autour de son étoile centrale. Si la planète est peu massive, et située près de son étoile, le centre de masse du système est alors effectivement presque confondu avec le centre de l’étoile, et la planète semble décrire un mouvement autour de l’étoile, fixe. Dans le cas contraire, le centre de masse du système et le centre de l’étoile sont différents, de sorte que lorsque la planète effectue une révolution autour du centre de masse du système, l’étoile a un mouvement analogue. Ce mouvement se fait dans un espace à 3 dimensions, dont nous pouvons percevoir les composantes latérales (déplacement de l’étoile sur le ciel), en mesurant avec précision la position de l’étoile par rapport à des objets fixes (c’est le principe de l’astrométrie), ou la composante longitudinale en mesurant la vitesse radiale de l’objet d’éloignement ou de rapprochement par rapport à l’observateur.
Mesure des vitesses radiales
La mesure de la vitesse longitudinale radiale et donc du déplacement de l’étoile est possible avec une grande précision grâce à l’effet Doppler. Cet effet traduit le fait qu’un émetteur d’ondes voit sa fréquence modifiée s’il est en déplacement radial par rapport à l’observateur. Si l’objet se rapproche de l’observateur, il apparaîtra plus bleu, s’il s’éloigne, au contraire, il apparaîtra plus rouge qu’il n’est réellement. L’effet est faible, et n’est détectable qu’en ayant recours à des techniques spectroscopiques à haute résolution, et à la comparaison avec des étalons de longueur d’onde. La mesure du « décalage Doppler » permet ainsi de mesurer la vitesse radiale de l’objet (cf. figure 1) et donc de reconstituer le mouvement de l’étoile. Toute la difficulté de la méthode, et tout le mérite des équipes qui l’ont mise en œuvre, réside dans le contrôle des biais instrumentaux et observationnels, dérives thermiques, mouvement propre de la Terre dans le système solaire, mouvement global du système solaire lui-même…. La précision des meilleurs instruments actuels sur la mesure des vitesses radiales est d’environ 1 m.s-1. Or on estime que la présence de Jupiter induit un mouvement sur le Soleil dont la vitesse est d’environ 12 m.s-1, la présence de la Terre induit un mouvement sur le Soleil d’environ 10 cm.s-1…Cette méthode est donc particulièrement bien adaptée pour la recherche de planètes géantes. Elle ne l’est pas pour les planètes telluriques.
Figure 1 : courbe de vitesse radiale de l’étoile Upsilon de la constellation d’Andromède (corrigée des mouvements de la Terre). Cette courbe à laquelle on a déjà extrait une composante à 4.6 jours fait apparaître également 2 composantes, correspondant à 2 autres planètes ayant des périodes de 241,2 jours et 1266,6 jours.
La méthode des vitesses radiales est une méthode très performante puisque 129 des 133 planètes géantes actuellement détectées l’ont été par cette méthode.
Observation des transits planétaires
L’idée consiste à détecter la présence d’une planète par la faible baisse de flux qu’elle induit sur son étoile quand elle passe devant le disque stellaire (Figure 2). Cela suppose bien évidemment que le système planétaire soit vu par la tranche depuis la Terre. La probabilité d’une telle situation est directement liée au rapport entre le rayon de l’étoile et le demi grand axe de l’orbite de la planète. La méthode des transits sera donc beaucoup plus efficace pour les objets proches de leur étoile que pour les objets éloignés. Pour espérer détecter une grande variété d’objets, il est donc nécessaire de surveiller beaucoup d’étoiles simultanément (typiquement plusieurs dizaines de milliers). Enfin, pour discerner un transit, répétitif, à la période de révolution de la planète, d’un phénomène photométrique d’une autre nature, il est nécessaire d’observer plusieurs transits, c’est-à-dire d’observer un même objet pendant une durée égale à plusieurs fois la période orbitale de la planète.
Figure 2 : transit de HD 209458b observé depuis l’espace. La profondeur du transit (plus de 1.5%) montre clairement que l’objet est une planète géante.
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La variation photométrique relative de l’étoile est en première approximation directement égale au rapport des surfaces apparentes de la planète et de l’étoile. Ainsi une planète comme la Terre, dont le rayon vaut environ 1% du rayon solaire, provoquerait une extinction photométrique d’environ 0.01%.
Pour espérer détecter de tels objets, il faut donc un instrument avec une précision photométrique meilleure que l’amplitude attendue de la baisse de flux de l’étoile. Ainsi, il est possible de détecter des planètes géantes depuis le sol (précision de l’ordre de 1%). Pour détecter des planètes plus petites (planètes telluriques), il faut s’affranchir des effets photométriques de l’atmosphère et placer le télescope et le dispositif photométrique en orbite. La mission COROT du CNES devrait permettre à partir de 2006 de surveiller simultanément 12000 étoiles sur des périodes de 5 mois. Avec une précision photométrique de l’ordre de 0.01%, COROT devrait permettre de détecter des objets dont la taille est comparable à celle de la Terre. La durée d’observation de 5 mois de chacun des champs ne permettra cependant de détecter que des objets à courte période, (quelques jours à 2 mois). Les missions Eddington (ESA) et Kepler (NASA) devraient permettre d’observer vers 2010 des objets à plus longue période.
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[Note 2]
OBSERVATION DIRECTE DES EXOPLANETES
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L’observation directe d’une exoplanète est difficile car il s’agit d’observer un objet dans un système à 2 composantes (étoile + planète) alors que :
– le contraste entre une étoile comme le Soleil et une planète comme la Terre est de 5 milliards dans le domaine du visible (7 millions dans le domaine de l’infrarouge thermique)
– la distance angulaire entre les deux objets distants de 150 millions de km, le tout à 30 années-lumière de nous est de l’ordre de 0.1 seconde d’angle.
Dans le domaine de l’infrarouge thermique (autour de 10 microns), la résolution angulaire commence à poser une sérieuse difficulté. En effet, il faudrait un télescope monolithique de 25 mètres de diamètre. Sachant que l’infrarouge thermique traverse très mal l’atmosphère terrestre, il faut envisager un instrument spatial si l’on veut observer dans l’ensemble de la gamme 6-18 microns. Pour pallier cette difficulté, un concept original à été proposé par Bracewell en 1978. Il s’agit du coronographe interférométrique représenté sur la figure 3.
Figure 3 : principe du coronographe interférométrique de Bracewell
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Considérons 2 télescopes T1 et T2, qui, individuellement et du fait de la diffraction, ne résolvent pas le couple étoile-planète. Pointons les 2 télescopes dans la direction exacte de l’étoile, et superposons les faisceaux issus des 2 télescopes. Dans la direction de l’étoile, le front d’onde arrive simultanément sur T1 et T2. Si on recombine les 2 faisceaux, ils seront en phase et l’on réalisera des interférences constructives. Si on rajoute un déphaseur de pi achromatique, dans l’un des bras de l’interféromètre (par exemple le bras issu de T2), on recombinera les 2 télescopes en opposition de phase, autrement dit les interférences seront destructives et l’on éteindra tout ce qui provient de la direction de l’étoile (et en particulier le flux de l’étoile). Dans la direction de la planète qui fait un angle téta par rapport à celle de l’étoile, on induit un retard de T1 par rapport à T2 égal à D.sin(téta) où D est la distance entre les 2 télescopes. Si on adapte D (déplacement des télescopes), on peut s’arranger, pour qu’à une longueur d’onde moyenne, la différence de marche D.sin(téta) compense le déphasage de pi introduit dans le bras qui contient T2. On réalise alors, dans la direction de la planète des interférences constructives. En résumé, un tel instrument permet d’observer un objet faible, situé en dehors de l’axe optique où la transmission théorique est nulle. L’instrument de Bracewell est à la base du concept de la mission Darwin de l’ESA. Prévue pour 2015, Darwin est un interféromètre à plusieurs télescopes (3 à 6 selon les concepts) dont l’objectif est de détecter directement des planètes extrasolaires et d’en faire l’analyse spectrale dans la gamme 6-18 microns. La figure 4 montre une vue d’artiste de Darwin dans une version à 6 télescopes. La figure 5 est une simulation numérique de ce que Darwin verrait s’il observait notre Système Solaire depuis le pôle Nord du Soleil à une distance de 30 années-lumière environ.
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Figure 4 : Vue d’artiste de la Mission Darwin, dans une configuration à 6 télescopes sur un cercle. Le satellite central est le laboratoire de recombinaison. Un huitième satellite, hors plan, permet la transmission de l’information vers la Terre et la métrologie de l’ensemble du réseau (d’après l’étude ESA réalisée en 1998 par Alcatel Space Industries).
Figure 5 : Spectres de la Terre, Mars et Vénus dans le domaine de longueur d’onde de la mission Darwin. Cette figure montre clairement que Darwin/TPF permettra de mettre en évidence des planètes comparables à la Terre, et de les différentier de planètes analogues à Mars et à Vénus, grâce à l’identification simultanée des raies d’absorption de l’eau, de l’ozone et du gaz carbonique.
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